Observatoire National des Cultures Taurines

Observatoire National
des Cultures Taurines

Antonio Purroy est professeur titulaire de la chaire de production animale à l’École technique supérieure d’ingénieurs agronomes de l’Université publique de Navarre, dont il est Vice-recteur, membre de la Comision Nacional Evaluadora de la Actividad Investigadora (CNEAI), organisateur des Jornadas sobre el toro de lidia, qui se tiennent tous les deux ans à Pampelune depuis 1998.

Il est l’auteur de La Cria del toro bravo. Arte y progreso – Mundo Prensa, Madrid, 1988 et de Comportamiento del toro de lidia:- Universidad publica de Navarra 2003 (publié dans une traduction de Marc Roumengou sous le Titre, Comportement du taureau de combat– Atlantica 2014.)

Voici comment il arépondu à notre question, “Pourquoi aimez-vous la corrida ?”

 

Mes amis de l’ONCT me demandent le pourquoi de ma passion taurine. Ils me posent souvent cette question et je ne sais pas comment y répondre.

Si j’ai connu une vie antérieure, je l’imagine dans la première moitié du XVIIe siècle, je suis étudiant dans l’antique collège universitaire des Irlandais, aujourd’hui Colegio Mayor Fonseca (Université de Salamanque), j’y poursuis des études supérieures d’agronomie. À cette époque, les étudiants étaient accompagnés d’un laquais qui logeait aussi au collège, mais dans les écuries, puisqu’il s’occupait du cheval de l’étudiant, son maître. Je venais du Royaume de Navarre, attiré par la renommée de l’une des universités les plus prestigieuses du vieux monde.

Une de mes passions devait être déjà l’élevage des taureaux dans la dehesa (pâture en sous-bois) salmentine et aussi les fêtes de taureaux sur la plaza Mayor de Salamanque. En ajoutant que j’ai eu à tuer un taureau le jour où je fus fait docteur, tel était l’usage de l’époque dans certaines universités espagnoles. De là ma fascination actuelle pour le taureau de combat et le merveilleux écosystème de la dehesa, un écosystème agro-sylvo-pastoral de grande valeur agronomique et écologique dans l’Europe méridionale, une niche idéale pour l’élevage du taureau de combat et ce n’est pas rien, 400 000 hectares dédiées à l’élevage de ce bétail.

Par la grâce de ce passé imaginaire, j’ai accompli, il y a plus de 45 ans, des études supérieures d’agronomie à Madrid. Ensuite j’ai acquis mon grade de docteur en France à l’INRA de Clermont-Ferrand et, pour finir, je professe la zootechnique à l’Université Publique de Navarre à Pampelune. Ma profession et ma passion m’ont souvent rapproché du taureau de combat et donc de la tauromachie. Mon séjour en France m’a permis de connaître et aimer un grand pays qui a l’avantage d’héberger une grande région taurine – le sud – avec d’excellents aficionados qui aiment avec ardeur la Fête des taureaux.

Bien que la tauromachie traverse un moment difficile,  je suis optimiste sur son avenir. Dans le passé, les prohibitions papales et royales qu’elle a affrontées ne parvinrent pas à la faire disparaître, même si ces prohibitions se fondaient sur la préservation de l’homme face à la férocité des taureaux qui portaient souvent la mort au bout de leurs cornes. Aujourd’hui, tout au contraire, les anti taurins défendent les taureaux et ne se préoccupent pas des blessures tragiques encourues par les toreros.

Bien qu’en principe les jeunes soient imperméables à l’attrait des corridas formelles, un peu comme la connaissance et l’appréciation des bons vins qui ne vient qu’avec l’âge, il faut tout faire pour rapprocher cette fête de la jeunesse. Une façon de le faire est de promouvoir et d’appuyer les tauromachies populaires. Dans l’arène ou dans les rues, elles ouvrent une voie pour éveiller des jeunes à la passion du taureau qui, plus tard, par décantation, les conduira à la corrida de toros.

Mais aussi, nous avons à revendiquer la valeur culturelle de la tauromachie. Tous les arts  ont fait une place à la fête des taureaux au long de l’histoire : la littérature (Camilo J. Cela, Vargas Llosa, J. Bergamin, P. Merimée …), la peinture (Goya, Picasso, Botero, Manet …), la sculpture (Benlliure, Venancio Blanco …), la musique (opéras, zarzuelas, pasodobles …), le cinéma, la photographie, l’architecture, la gastronomie, la mode.

Approcher la culture au travers de la corrida a un grand intérêt pour les aficionados, d’une part parce qu’ils découvrent un monde magique que sans elle ils ne connaîtraient pas, d’autre part parce que la Fiesta se présente avec un prestige social qui laisse les antis taurins sans argument,  “nous ne sommes pas aussi sauvages” qu’il se répète trop souvent.

 

Antonio Purroy

Pampelune (Espagne)